Gardiner Zhang et Ema Holgado

Lors de la cérémonie des finissants du collégial du 30 mai 2019,  Gardiner Zhang et Ema Holgado nous ont livré de magnifiques témoignages dans des discours émouvants.

Une partie du discours de Gardiner Zhang en vidéo

Le discours de Gardiner Zhang transcrit

« Membres de la direction, corps professoral, familles, amis, chers gradués,

Je vais souvent commencer une phrase sans savoir où elle s’en ira. J’espère que je vais la trouver en chemin. [traduction libre] » ― Michael Scott, The Office. Qui sait où vont mes phrases, qui sait si elles vont causer une interférence destructive dans le fond de la salle ou se frayer un chemin vers votre cœur.

Cela fait désormais sept ans que je longe les corridors de ce Collège. Sept années à travers lesquelles j’ai pu découvrir et côtoyer des personnes tout aussi extraordinaires les unes que les autres que ce soit au secondaire ou au collégial. Des gens passionnés par ce qu’ils font, des gens au cœur d’or, des gens persévérants aux ambitions vastes. Des gens d’une solidarité hors pair. Mais surtout, des gens qui ont échoué, des gens qui ont sué sang et eau pour des projets tombés dans l’oubli, si ce n’est pas dans la honte, des gens qui ont été refusés de leur programme universitaire de rêve ou dans des stages. Pourtant, ce sont ces gens qui m’ont le plus ouvert les yeux. J’aimerais donc vous partager trois leçons que j’ai tirées de ces individus à travers mon expérience personnelle.

La première est qu’il y a un sens à tout ce que l’on fait.

Il n’est jamais facile d’investir corps et âme dans ce qu’on aime pour n’en recevoir que très peu. En tant que rédacteur en chef du journal étudiant Le Graffiti, j’ai dû écrire des articles, lire ceux qu’on recevait, les corriger et d’en faire la promotion alors que je ne reçois que quatre articles avant la date de tombée. J’avais l’impression que personne ne le lisait sérieusement, que Le Graffiti n’était qu’une perte d’argent pour l’AGEB et que le local qui nous est destiné ne servait qu’à jouer aux cartes ou aux jeux vidéo. J’aimais ce que je faisais, mais j’avais peur que tous ces efforts ne me mènent à rien.

Je ne m’en vais pas en littérature à l’université, je ne veux pas devenir journaliste. Cependant, gérer un journal étudiant m’a permis de développer des qualités qui me seront indéniablement essentielles dans ma vie : l’administration, la communication, que ce soit avec les membres de l’équipe, les lecteurs ou les membres de la direction, le leadership, les aptitudes à régler des conflits, aussi apprendre de mes erreurs, car tout ce que j’ai appris s’est fait au travers des critiques et des déceptions. Je vous invite donc à continuer à entreprendre, à essayer, à vous impliquer. Même si ce n’est pas évident de savoir ce que vous pouvez en retirer, vous seriez au moins heureux si vous aimez ce que vous faites. Je crois fervemment que les choses arrivent pour une raison, si ce n’est que pour nous rendre meilleurs.

Deuxièmement, l’effort n’est pas garant du succès, mais l’ambition l’est.

Durant le Cégep, il est indéniable que nos notes deviennent notre plus grande priorité. Cependant, elles deviennent si importantes que nous avons tendance à nous y associer. Que nos notes nous définissent. Qu’on soit en haut ou en bas de la moyenne, en tant qu’étudiant, nous ressentons la pression de maintenir ou de surpasser les attentes que nous avions de nous-mêmes, ou des autres. Il est donc logique qu’afin de surpasser les autres, il faille redoubler nos efforts.

Mais la vie est injuste.

L’élève qui écrit une dissertation sur tous les 7 sujets possibles à l’examen et qui les mémorise par cœur n’a pas nécessairement une meilleure note qu’un autre élève qui « sauce comme un pro » en langage estudiantin. L’élève qui apprend mot pour mot toutes les notes de cours de biologie n’aura pas nécessairement une meilleure note que l’élève ayant une mémoire photographique qui a commencé son étude la veille de l’examen. La nature ne nous a pas fait tous égaux, mais elle nous a fait équivalents: nous avons tous le potentiel de s’accomplir. L’effort seul ne mène pas au succès, mais combiné à la motivation et à l’ambition, l’effort devient le vecteur principal du succès. L’effort et le plaisir. Le plaisir d’apprendre, le plaisir de savoir qu’on a appris même lorsque les temps semblent difficiles, que les efforts semblent en vain. Je vous souhaite à tous le courage de rester positifs, de persévérer et de vous rappeler votre valeur dans le monde et pour les gens qui nous aiment.

Ce qui mène à mon troisième point: il faut s’entourer de gens qui nous supporteront lors de nos pires moments.

La vie n’est pas seulement injuste, elle semble cruelle, elle semble vouloir nous écraser, nous empêcher de réussir. Cependant, nous sommes tous dans la même galère. J’ai appris que malgré notre individualité, nous sommes tous capables de venir en aide les uns et les autres d’une façon ou d’une autre. Que tout le monde a vécu ses moments de peine et d’injustice. J’ai été très chanceux, j’ai été béni d’une famille qui a toujours eu pour valeur première l’éducation, qui m’a toujours encouragé de faire ce que je fais ainsi que des amis qui sont toujours là pour moi, même durant mes moments les plus mornes, soit après une nuit blanche ou une gueule de bois.

N’ayez pas peur de demander de l’aide; un jour, vous serez peut-être porté à aider autrui. Albert Schweitzer, médecin philanthrope alsacien, prix Nobel de la paix en 1952 pour ses actions encourageant la démocratisation des soins et de l’éducation en Afrique, a écrit : « le bonheur est la seule chose qui se double lorsqu’on la partage. » Mathématiquement, cela peut sembler absurde, mais cette citation que j’ai découverte en faisant un travail d’Éthique et Culture Religieuse m’a permis à de nombreuses reprises de me rappeler que je ne suis pas seul à vivre de mauvais quarts d’heure.

Finalement, je vous prie de m’endurer pour une dernière anecdote.

En 6e année du primaire, j’ai fait partie d’une chorale, les fameux Rossignols de Brossard. Oui, ma mère m’a obligé, elle trouvait que j’avais une belle voix. Mais moi, je l’abhorre, cette voix. Je ne me rappelle pas trop de bons souvenirs de ces moments, mais je me souviens d’une chanson en particulier. Les parents connaissent probablement Gerry Boulet, chanteur du groupe Offenbach qui est mort à cause d’un cancer du côlon. Pourtant, ce chanteur ne s’est jamais rabattu sur ses malheurs. À la chorale, nous chantions Toujours Vivant, et j’aimerais clore ce discours sur ce refrain : « Je suis celui qui frappe dedans la vie à grands coups d’amour.

Félicitations à tous les finissants, merci. »

Gardiner Zhang

Le discours d’Ema Holgado transcrit

« Chers membres de la direction, chers professeurs, chères familles, mais surtout chers étudiants,

J’ai écrit ce discours tout autour de vous, sans jamais que vous ne vous en rendiez compte. Dans la grande salle, à la cafétéria, en cours, au party de session, vous ne me remarquiez pas et pourtant, j’écrivais sur vous. J’essayais de trouver les mots justes pour dire les choses, j’essayais d’expliquer ce qui est arrivé dans ces deux dernières années. Je pourrais parler d’activités, de travaux ou de cours, mais je préfère parler de vous. Pas simplement parce que cette cérémonie devient très longue et que je sais que vous ne m’écoutez surement plus, mais surtout parce que vous êtes l’âme de cet endroit, l’âme de cette école, de cette maison. Rien de tout cela n’existe sans nous. Tout est vide de sens. Aussi, pour rendre hommage à cet endroit et à ses valeurs, je vais « choisir le chemin de la vérité ». Je jure de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Chers professeurs, nous ne sommes rien sans vous. Nos cerveaux si brillants soient-ils ne servent à rien sans vous. Tout ce que nous ferons de cet enseignement, nous vous le devrons. Pourtant, soyons honnêtes, nous l’oublierons, on fera les choses sans penser à vous, en essayant d’avancer toujours plus loin, toujours plus haut. Pourtant, jamais vous ne nous en tiendrez rigueur. Vous êtes les héros de l’éducation. Merci pour cela.

Chers parents et familles, je ne sais comment exprimer la gratitude et le respect que j’ai pour vous. Vous vous battez sans cesse à nos côtés et jamais vous n’abandonnez. Chacun des enfants ici présents a au moins une chose à dire à ses parents, un remerciement à faire. Faites-le, je vous en supplie tant qu’il en est encore temps. Papa, Maman, tout cela et tout le reste, c’est grâce à vous. Chaque jour vous portez le poids de mes rêves sur vos propres épaules et les rendez possibles. Vous savez déjà tout ce que j’ai à vous dire et je vous le dis. Je vous aime. Hey Carla, regarde, je suis là, sur la scène, la peur au ventre devant tout le monde. C’est la preuve que rien n’est impossible, n’est-ce pas ?

Cher Collège Jean-de-Brébeuf, tu as été mon plus grand rêve, à moi et à d’autres, et aussi ma plus grande fierté. Tu as connu nos rires, nos amours, nos amitiés. Tu connais tous nos secrets, tous nos rêves, mais aussi toutes nos peurs. J’en ai vu plus d’un pleurer entre tes murs et parfois à cause de toi. Tu as ce don de tout faire paraître aller plus lentement, le temps s’arrête avec toi. Deux ans en ont paru dix. Tu es la pire et la meilleure chose qui me soit arrivé, tu es le plus dur des marathons, tu es un jeu de roulette russe, mais tu n’as pas changé, tu restes la même que lorsque je suis entrée ici il y a deux ans lors du premier jour.

Chers finissants 2019 du Collège Jean-de-Brébeuf, je ne sais pas vous, mais je ne croyais jamais y arriver, je croyais que Brébeuf m’avalerait bien avant. Vous avez le droit de me trouver mélodramatique, si je ne l’étais pas, je ne serais pas vraiment pas moi. Pourtant, en disant ces mots, je dois me rendre à l’évidence que tout est bel et bien fini. Il y a tant de choses que j’aimerais dire et il reste si peu de temps. J’aurais voulu dire à Julie qu’elle est mon inspiration chaque jour pour sa force, aux conventums que finalement ils ne sont pas juste des jeunes indisciplinés et prétentieux, à Desbiens que l’université va être rude après avoir passé tant de temps à ne rien faire, à Jade qu’elle doit toujours se battre pour réussir tellement sa passion l’amènera loin, à Vlad que ses rêves n’ont pas de limites, à Sébastien qu’il a tellement de choses à dire qu’il devrait vraiment les partager, à Béatrice que je l’admire de ne pas avoir peur de crier au monde qui elle est, à Luciano que finalement, on rentre à la maison, à Jo, Mila, Béa et Caro, ces quatre femmes incroyables et pleines d’amour que j’ai hâte que le reste du monde rencontre, à Mary, à Anthony, à Sheila, à Hosseyn, à Thom et Mattieu, à Ikram, à Gardiner, à Ella, À Joséphine, à Reza, à Olivier, aux gars de baskets, à Erika, à Farouk, à Anastasia, à Léo, à Alex, à Maxime.

Je me rends bien compte que je me suis mise dans un cercle vicieux de 680 noms. Pourtant, j’aimerais tous les prononcer parce que chacun d’entre nous est un bout de cet endroit. Nous sommes des soldats, des soldats sacrifiés et privilégiés pour l’éducation. Sacrifiés parce que Brébeuf ce n’est pas un endroit comme les autres, il faut être prêt à tout lui donner pour qu’elle nous donne autant. Sacrifier du temps, nous sommes beaucoup à avoir quitté nos familles afin de venir ici, sacrifier de l’argent, de l’effort. Nous avons mis jusqu’à notre dernière parcelle d’énergie afin de nous tenir debout ici aujourd’hui. Pourtant, nous sommes des privilégiés. Nous avons eu droit à cette éducation, à cet environnement, à connaître le monde tel qu’il est réellement, nous avons le droit d’avoir des rêves plein la tête et le droit de les réaliser. Ce privilège vient avec une part de responsabilité. Maintenant, nous devons faire quelque chose de cette chance. Je ne parle pas d’être le meilleur, le plus riche ou le plus célèbre. Je parle de faire quelque chose de plus grand. Si, en sortant de ce gymnase, nous oublions nos rêves, les raisons qui nous ont conduits ici aujourd’hui, alors, les sacrifices que l’on a faits et que les autres ont faits pour nous auront été vains.

Le monde a besoin de gens comme vous, concernés et intelligents. Brébeuf ne m’a pas juste appris la théorie de la connaissance, l’absolutisme, l’utilité des figures de style ou le binôme de Newton ; Brébeuf m’a surtout appris quelque chose de bien plus grand, bien plus noble, quelque chose qui dépasse toute ambition. J’ai appris à croire éperdument en vous et en moi, finalement. Ne soyons pas naïfs, personne à part nous ne se rappellera la cohorte de 2017-2019. Pourtant, elle ferra de grandes choses j’en suis sure. »

Ema Holgado