Justin Lessard-Wajcer, un étudiant de deuxième année du Collège Brébeuf, partage sa passion pour la recherche

Par Émilie Corriveau

Lorsqu’il a entamé ses études collégiales à Brébeuf à l’automne 2014, Justin Lessard-Wajcer avait la ferme intention de devenir optométriste. Après trois sessions passées au sein de l’établissement, l’avenir ne se présente plus tout à fait sous le même jour pour l’étudiant. Menant déjà d’importants travaux de recherche en neurosciences, un domaine qu’il n’aurait probablement jamais découvert si ce n’avait été des encouragements de ses professeurs, le jeune homme aspire maintenant à une brillante carrière scientifique. Portrait d’un passionné à la trajectoire surprenante!

Curieux de nature, Justin s’est toujours intéressé à une foule de choses. Si enfant, il affectionnait surtout la musique, le chant et les arts de la scène, à l’adolescence, c’est le monde des affaires qui a commencé à l’interpeler. « J’ai même fait des concours quand j’étais au secondaire et j’adorais ça », confie le principal intéressé.

À la même époque, Justin s’intéressait aussi aux sciences. Bien qu’il n’était pas un grand fan de mathématiques, sa passion pour la biologie se voulait aussi ardente que celle qu’il cultivait pour l’entrepreneuriat.

Aussi, lorsqu’est venu le temps de prendre une décision quant aux études collégiales qu’il allait mener, c’est tout naturellement que Justin s’est tourné vers les Sciences de la Nature à Brébeuf dans le but de devenir un jour optométriste.

« Ce métier-là m’intéressait parce qu’il combinait le monde des affaires et du design. Il y avait aussi une part de sciences, ce que je trouvais important. J’avais envie d’être entrepreneur et l’optométrie me semblait être un bon choix pour moi », affirme Justin.

Surprise, surprise!

Mais quelques jours à peine après avoir entamé son premier semestre au Collège, l’étudiant s’est surpris à se passionner surtout pour ses cours de biologie. « M. Précourt et Mme El Imrani m’ont vraiment donné envie de faire de la recherche! J’étais curieux », révèle-t-il.

Trouvant conseil auprès de ses professeurs, Justin a découvert le Défi Biogenius Sanofi – un concours pancanadien donnant l’occasion à des étudiants du secondaire et du collégial de réaliser un projet de recherche dans le domaine des sciences de la vie – et a décidé de s’y inscrire.

Pour participer à cette compétition, Justin a dû cogiter sur une hypothèse de recherche et produire un document d’une cinquantaine de pages expliquant ses intentions. Son projet ayant été accepté, il s’est retrouvé associé à un mentor lui permettant de vivre une expérience de recherche pratique dans un laboratoire professionnel.

« Au départ, je voulais travailler sur les gènes mutés BRCA 1/2, une mutation qui se transmet de façon héréditaire et qui augmente considérablement la probabilité de cancer du sein, des ovaires et de la prostate chez les individus qui en sont porteurs, explique Justin. Ça m’intéressait parce qu’il y a des gens dans ma famille qui ont été atteints de cancers à cause de ces gènes. Malheureusement, il n’y avait aucun laboratoire ici qui pouvait m’aider à réaliser ce projet. Par contre, il y avait une chercheure de l’Université de Montréal qui était intéressée à m’accueillir dans son équipe. »

Cette chercheure, c’était Mme Hélène Girouard, professeure sous octroi agrégée au Département de pharmacologie de l’Université de Montréal. Ne pouvant pas seconder Justin dans son projet originel, elle lui a proposé quelques avenues de recherche susceptibles de l’intéresser.

Faire évoluer les neurosciences

Après une courte réflexion, le jeune homme a fait le choix de travailler sur le protocole CLARITY, un procédé utilisant des hydrogels récemment développé à l’Université de Stanford en Californie. Censée rendre le tissu du cerveau transparent, cette méthode a pour visée l’obtention d’images détaillées de l’architecture complète de l’organe. Or, quand Justin s’est joint à l’équipe de Mme Girouard, CLARITY n’était pas particulièrement concluante!

« On a essayé le protocole CLARITY pour voir si on était capable de rendre une tranche de cerveau de souris transparente. On a fini par y arriver, mais ça a pris beaucoup trop de temps. Attendre une petite tranche de 1,3 millimètre pendant presque deux mois, c’est long, surtout quand ton projet complet dure quatre mois », raconte l’étudiant en riant!

« Après, je me suis dit que la solution, c’était d’inventer une machine pour augmenter l’efficacité du protocole en le rendant plus rapide, poursuit-il. En parcourant la littérature scientifique pour m’inspirer, je suis tombé sur l’électrophorèse, qui utilise l’électricité pour dissoudre les lipides. J’en ai déduit qu’il y avait un potentiel que ça fonctionne. Avec l’équipe de recherche du laboratoire, on a donc essayé de créer une machine qui, par électrophorèse en autres choses, permet de clarifier des tranches de cerveau. »

Aussi épatant que cela puisse paraitre, après seulement quelques semaines de travail épaulé par ses collègues universitaires, Justin, qui n’avait jusqu’alors jamais construit d’équipement scientifique de pointe, est parvenu à créer un prototype permettant d’extraire les lipides d’un échantillon en seulement deux jours!

« J’étais tellement content! Il restait moins de deux semaines avant la compétition. J’étais certain que je ne réussirais pas et je m’étais préparé à expliquer à tout le monde ce qui avait fait que ça n’avait pas fonctionné », se remémore-t-il.

Grâce à sa découverte, l’étudiant de Brébeuf a non seulement remporté le volet régional du Défi Biogenius Sanofi, mais il a également récolté trois grands prix lors du concours national, du jamais vu dans cette compétition.

Son succès l’a aussi mené en Israël : invité par le Gouvernement canadien, il a pu prendre part en août dernier à la World Science Conference de Jérusalem, soit la plus grande conférence scientifique de l’histoire, et ainsi rencontrer de nombreux éminents chercheurs des quatre coins du monde, dont plusieurs prix Nobel!

Des applications multiples

Il faut savoir que les travaux que Justin a menés sous la supervision de l’équipe du laboratoire de Mme Girouard sont loin d’être banals et pourraient avoir une importante incidence sur la recherche dans le domaine des maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer et le Parkinson.

« Le fait de pouvoir voir dans le cerveau nous enlève plein de barrières qui limitaient l’avancement des neurosciences, précise Justin. Cette technique-là va certainement nous permettre d’améliorer nos connaissances des processus de progression des maladies neurodégénératives. Je travaille d’ailleurs là-dessus en ce moment et je suis parvenu à déterminer l’origine anatomique de l’Alzheimer dans le centre des mémoires du cerveau. Plus on fera de recherches comme celle-là, plus on aura de chances de découvrir des traitements pour freiner les maladies en amont. »

Les travaux de Justin pourraient aussi permettre d’en apprendre davantage sur les cerveaux suicidaires. Le jeune homme compte d’ailleurs bientôt s’attaquer à un projet sur le sujet en partenariat avec l’Université McGill.

« Ma machine pourrait aussi nous aider à mieux comprendre le processus de vieillissement du cerveau, ajoute Justin. En ce moment au labo, on est en train d’étudier les effets de la gravité sur le cerveau en envoyant nos souris dans l’espace. Ce projet est mené en partenariat avec la NASA. Au retour des souris, je vais les étudier et on pourra peut-être obtenir des réponses à certaines de nos grandes questions existentielles! »

Et maintenant?

Après plusieurs mois de travail acharné, Justin se dit toujours aussi fervent de neurosciences. Au terme de ses études collégiales, c’est donc vers la recherche scientifique qu’il entend se diriger, bien qu’il ne soit pas encore tout à fait certain de l’institution universitaire où il poursuivra son apprentissage.

Évidemment, quelques établissements lui ont déjà fait savoir qu’ils seraient très heureux de l’accueillir parmi leurs rangs. En attendant, le jeune homme a accepté d’œuvrer à titre de stagiaire auprès de Mme Girouard et de son équipe et se dit heureux de poursuivre « tranquillement », mais sérieusement, ses recherches en laboratoire.

« Plus je m’intéresse aux neurosciences, plus je découvre que dans le fond, on ne sait pas grand-chose du fonctionnement du cerveau, souligne-t-il. C’est l’organe le plus important de notre corps et on ne connaît rien à son sujet! Il y a tant de possibilités et c’est tellement stimulant! »

D’une étonnante humilité, Justin dit apprécier qu’on souligne son apport à la science, mais avoue ne pas aimer qu’on le considère comme un être d’exception. À son avis, ses accomplissements sont sans doute le résultat d’une certaine douance pour les sciences, mais surtout, celui d’un travail rigoureux.

« Avec tout ce qui est arrivé au cours de la dernière année, je comprends que ce que j’ai fait est inhabituel, mais je ne me perçois pas comme quelqu’un d’exceptionnel, signale-t-il. Je pense qu’il y a plusieurs étudiants de Brébeuf qui comme moi, seraient capables de trouver des solutions créatives à des problèmes scientifiques s’ils en avaient envie. Il ne faut pas se dire qu’on est trop jeune pour changer le monde! Si on le veut, on le peut. Il faut seulement s’y mettre et être prêt à travailler très dur! »

D’ailleurs, Justin invite tous les curieux de sciences à joindre les rangs de l’équipe de collaborateurs du nouveau magazine scientifique qu’il vient de lancer à Brébeuf, Perceptum. Pour ce faire, les intéressés n’ont qu’à se manifester par le biais de Facebook. https://www.facebook.com/perceptumbrebeuf