Entretien avec Anne Xuan-Lan Nguyen

Le 10 mars dernier, Anne Xuan-Lan Nguyen, étudiante de première année au niveau collégial à Brébeuf, apprenait qu’elle était l’une des récipiendaires de la prestigieuse bourse américaine Morehead-Cain. Enchantée de cet honneur, mais incertaine qu’il la mènerait au bout de ses rêves les plus chers, la boursière a préféré refuser l’exceptionnelle opportunité qui lui était offerte pour laisser la chance à un autre coureur. Entretien avec une jeune femme qui a le courage de ses convictions!

Par Emilie Corriveau

Créé en 1945 et inspiré de la bourse Rhodes de l’Université d’Oxford en Angleterre, le Morehead-Cain est le premier programme de bourses au mérite institué aux États-Unis.

S’adressant aux jeunes leaders engagés dans leur communauté, il permet chaque année à une soixantaine d’étudiants issus de toutes les régions du monde d’obtenir une aide financière considérable pour poursuivre leurs études à l’Université de Caroline du Nord. D’une valeur de 200 000 $ américains, ses bourses couvrent les frais de scolarité, les livres, la chambre, les repas, un ordinateur portable et quatre expériences estivales d’enrichissement.

« C’est une bourse qui récompense la force de caractère, précise Anne. Pour être sélectionné, il ne faut pas nécessairement avoir des 100 % dans toutes les matières. Il faut surtout être impliqué dans son milieu, pratiquer des activités sportives et faire preuve d’empathie, de générosité et de curiosité. »

Bien qu’elle soit peu connue des étudiants québécois, la bourse Morehead-Cain est très prisée des aspirants universitaires nord-américains. À preuve, chaque année, moins de 4 % des postulants sont sélectionnés.

« Quand je me suis inscrite, je ne pensais pas être choisie, révèle Anne. J’avais l’impression que c’était pratiquement impossible. Mais j’avais envie d’essayer, parce que je trouvais que la bourse correspondait à mes valeurs. »

Il faut savoir que depuis le début de son adolescence, l’étudiante s’investit énormément dans toutes sortes d’activités sportives, sociales et communautaires. En ce moment par exemple, elle fait partie de l’équipe intramurale de hockey féminin de Brébeuf, de l’équipe de frisbee et de celle de flag football.

Elle est également impliquée dans de nombreux projets étudiants : elle est notamment responsable des technologies de l’information pour le Café du monde ; elle est à la tête du comité jeunesse Giive du Collège ; elle écrit pour le magazine anglophone The Fountain Pen et vient d’être élue rédactrice en chef du journal Graffiti. Elle participe aussi à un programme de tutorat pour les élèves en difficulté et entraine l’équipe cadette féminine de flag football de Brébeuf !

En plus de tout cela, dans ses temps libres elle siège au Conseil jeunesse de Montréal, agit comme ambassadrice du Sommet #Jeunesse375MTL et dirige De l’air frais pour un sourire vrai, un projet à but non lucratif qu’elle a mis sur pied et qui a pour objectif d’offrir des sorties sportives, culturelles et artistiques à des jeunes issus de milieux défavorisés.

« J’ai vraiment commencé à m’impliquer à l’âge de 14 ans, relève l’étudiante lorsqu’on lui parle de son horaire de premier ministre. J’ai été monitrice au camp de plein air À plein cœur. C’est un camp d’été d’une semaine qui est offert gratuitement aux jeunes en situation difficile de la grande région de Montréal. Ça m’a ouvert les yeux à une réalité que je connaissais peu et ça a éveillé ma conscience sociale. Après, je me suis mise à m’impliquer dans toutes sortes d’activités qui me tenaient à cœur. Ça a l’air beaucoup, mais comme je suis bien organisée, ça se fait bien. Je trouve ça tellement enrichissant et motivant que je n’ai pas envie d’en faire moins. »

Si les activités auxquelles participe Anne sont certes diversifiées, elles ont toutes un point commun : la jeunesse.

« Mon objectif dans la vie, c’est de réduire les inégalités et de donner le plus d’opportunités possible aux jeunes, souligne-t-elle. Pour moi, c’est extrêmement motivant. J’ai envie de faire une différence, de contribuer à bâtir un avenir meilleur. »

Très fidèle à ses principes, Anne n’a jamais gardé pour elle l’argent des multiples bourses qu’elle est parvenue à décrocher au fil des ans. Bien qu’elle les ait largement méritées, elle a toujours utilisé ces sommes pour financer les activités de son projet De l’air frais pour un sourire vrai.

« Je me considère privilégiée, j’ai eu droit à plusieurs opportunités dans la vie. Je n’ai pas besoin ce cet argent-là. C’est pour ça que je le réinvestis dans des activités qui permettent à des jeunes de vivre des expériences enrichissantes », explique Anne.

Si, au terme d’une longue réflexion, l’étudiante de Brébeuf a finalement refusé la bourse Morehead-Cain, ce n’est pas tellement parce qu’elle n’avait pas besoin du support financier qu’on lui offrait mais parce qu’elle avait l’impression qu’en quittant Montréal pour quatre ans, elle renoncerait à de nombreux projets qui lui tiennent réellement à cœur.

« J’ai vraiment un fort sentiment d’appartenance pour Montréal et pour le Collège, confie-t-elle. Ce qui m’a permis d’obtenir cette bourse-là, c’est tous les projets que j’ai bâtis ici. Je sais très bien que je n’aurais pas pu l’avoir si je n’avais pas été aussi impliquée et si je n’avais pas été aussi bien entourée. Pour moi, ce serait extrêmement difficile de laisser tomber tout ça. »

C’est donc à Brébeuf qu’Anne poursuivra sa scolarité l’an prochain. Elle compte bien s’engager à nouveau dans de nombreuses activités et comités et se dit enthousiaste à l’idée d’assumer ses nouvelles fonctions de rédactrice en chef du journal Graffiti.

« J’ai vraiment bien pesé le pour et le contre et je suis contente de ma décision, conclut la jeune femme. J’ai l’impression qu’il me reste des choses à accomplir ici et je suis vraiment motivée à continuer ce que j’ai déjà commencé ! »